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in "I -Somnambule dans la clarté du jour"
Au creux des sentiments intenses, des idées précises et des actions majeures que retrace le prestigieux récit de ses péripéties et folies remarquables, l’assemblée humaine aux cœurs disparates dévide chaque seconde plus discrètement son écheveau de songes nébuleux, d’illusions furtives et de mirages troublants. Amarres lancées à l’abordage des apparences, ce sont mille et mille fils invisibles qui s’enroulent autour des êtres et des choses en mouvement. Ils s’accrochent aux fragments d’un imprévisible monde qui jamais ne se donne pleinement lors même qu’il se laisse facilement deviner. Ces filaments s’ancrent aux profondeurs, se hissent vers les cimes, s’enroulent aux aiguilles du temps pour renverser sa course, adoucir sa corrosion. Entrelacés à la volée, ils finissent par relier les contours du réel et tramer d’une fine dentelle ses zones perdues, substituant au vide de l’ignorance la plénitude de l’invention.
Si intense soit-elle, la fibre imaginaire rompt facilement et condamne le songeur, artiste naturel, à reconduire sans cesse la projection de ses espoirs. Chacun veut une existence maîtrisée au fil du songe : une vie picturale, sublime et suspendue, où l’état des choses serait compréhensible, uni, sans excédent d’ombre ni abus de lumière. Aucun ne peut se résigner à vivre dans l’incertitude complète en s’abandonnant aux âcres baisers des furies de l’éphémère. Tous oublient les abysses de l’approximation lorsque l’abordage provisoire a permis de s’emparer enfin d’un sens.
Je ferme les yeux. Songe parmi les songes, dans ma chambre obscure, mon propre fil m’enflamme, m’illumine et me révèle. Je perçois mon ciel d’encre, dense et abyssal. Je me lance dans son mystère. J’imagine que je suis torche. J’attrappe un autre fil. Il scintille en absorbant mon feu. Toute la dentelle apparaît, s’embrase, un court instant. Ici commence le récit.
© Marc Sayous