Marc Sayous | Songes et formes

Tête contre la vitre. Deux jours sans dormir c’est trop tôt.Elle entre dans le temps, se calme et marche au ralenti. Oui c’est ça ! Elle entre dans le temps et ce flux, enfin perçu pour lui-même apparaît enfin, c’est un couloir de verdure au fond d’un labyrinthe de fleurs où tout s’apaise dans le bruissement des feuilles qui vibrent à son passage. Rien ne le détourne. Ce temps-là précède l’évènement. ête contre la vitre. Deux jours sans dormir c’est trop tôt.Elle entre dans le temps, se calme et marche au ralenti. Oui c’est ça ! Elle entre dans le temps et ce flux, enfin perçu pour lui-même apparaît enfin, c’est un couloir de verdure au fond d’un labyrinthe de fleurs où tout s’apaise dans le bruissement des feuilles qui vibrent à son passage. Rien ne le détourne. Ce temps-là précède l’évènement. - Suis-je à l’intérieur du réel ? ou seulement à sa porte ?Elle ne sait d’où proviennent ces questions compulsives auxquelles elle ne trouvera jamais de réponse. Elle ressent juste un possible discernement qui fait suite à l’éveil. Il est vrai qu’elle est au service de la curiosité, trop souvent limité aux actes humains ! Elle œuvre seulement là où se produit la grande description, la liste raisonnée des mouvements, des déclarations, des gesticulations, le portrait permanent des intérêts particuliers, la grande fable collective toujours plus actuelle. Elle chasse l’instant là où se raffinent les mensonges, les décisions arbitraires et l’apparence d’un sens pour sauver les phénomènes, une pale vérité qui se découvre au gré de l’enquête patiente parmi les décombres des faussetés, par-delà la rumeur et le faux-semblant. - Non, je ne suis pas dans le réel. Loin de là. Je ne suis pas même sûr de savoir où il est. Et quand bien même je mourrai rapidement aurais-je même existé ?Elle décrit le monde à l’encre typographiée, sériée, reproduite, dupliquée, répliquée. Parfois elle le “microphonise”, le rend audible et conforme à la minute trente qu’on lui accorde pour dépeindre un environnement plus vrai que nature. Elle sait que c’est impossible mais elle avance avec courage dans le spasme des jours. Elle entend des paroles prononcées sans prudence ni réflexion, le débit permanent ne permet pas la distance. Alors l’impression fait pression. Chaque pas dans cette direction est comme le doigt qui presse la touche sur le clavier pour produire le rythme des jours. L’été s’approche, elle le désire. La première rosée sur l’herbe fraiche est déjà là. Elle lève la tête et voit dans le bleu céleste une pluie fine qui vient. Il fait si beau et cela présage l’arc-en-ciel. Dans chaque goutte, elle distingue des signes, des alphabets translucides qui tombent droits comme la chute des graves, inexorables et inflexibles. L’averse arrive  et liquéfiera dans un instant son âme trop sèche. - Je serai accidents ou catastrophes, ce torrent de trahisons, de déclarations ou d’invectives, peut-être même fleuve d’immondices, débris de statistiques. Je serai les naufragés du sens, les êtres perdus parmi les mots des autres. Je serai ces sujets fragiles qui désirent fermer les oreilles, ne plus entendre la cruauté maladive célébrée chaque jour et ses horreurs exhortées par la prière sacrée de l’actualité. Mais pour l’instant, je ne suis que cette terre aride qui attend la pluie.Elle songe sans même s’en rendre compte et fixe le ciel lumineux,  cette belle pluie qui ne le touche pas encore. Elle scintille dans la lumière naissante d’un jour superbe au matin parfumé.