Partout sur la planète, vous trouverez les fidèles soldats d'une armée puissante, la légion des tristes, ces profanateurs de la Beauté. Pour les arts, ils vous diront qu'elle ne compte plus. Par leurs armes, ils commettront les sacrifices que préconise la soif de platitudes partagées. Par la pensée, ils brutaliseront la finesse pour l'enlaidir d'une pellicule poisseuse et empêcher l'imprévisible buisson en fleurs. Quand ce n'est pas l'ignorance, leur motif est bien souvent la carrière et la trace très lourde de leur pas m'évoque la poussière qui subsiste après leur passage. Si le combat à jamais reste à renouveler entre l'érection du monument et son effondrement, ils ne semblent pas le savoir.
Face à cette multitude, qui dominent aujourd'hui l'univers impérieux de la contemplation et des arts, j'espère toujours plus que viennent me hanter les fantômes de la Beauté pour qu'ils me possèdent et qu'ils m'envoutent. J’ai œuvré en durée au cœur de l’inachevé sans idée de carrière si ce n’est celle de la matière. Je cherche le geste accompli qui me survivra. Mes sculptures ne prétendent à rien de plus que l’émergence pour se frotter au grand combat de l’usure. Il y a souvent l’ombre d’une stèle sous le soleil de la ciselure mais sur elle règne le triomphe de la forme bien vivante, illuminée, imaginaire et célébrée.